Ô neige, toi la douce endormeuse des bruits
Si douce, toi la sœur pensive du silence,
Ô toi l'immaculée en manteau d'indolence
Qui gardes ta pâleur même à travers les nuits,

Douce ! Tu les éteins et tu les atténues
Les tumultes épars, les contours, les rumeurs ;
Ô neige vacillante, on dirait que tu meurs
Loin, tout au loin, dans le vague des avenues !

Et tu meurs d'une mort comme nous l'invoquons,
Une mort blanche et lente et pieuse et sereine,
Une mort pardonnée et dont le calme égrène
Un chapelet de ouate, un rosaire en flocons.

Et c'est la fin : le ciel sous de funèbres toiles
Est trépassé ; voici qu'il croule en flocons lents,
Le ciel croule ; mon cœur se remplit d'astres blancs
Et mon cœur est un grand cimetière d'étoiles !

Georges Rodenbach